On a beaucoup parlé il n'y a pas si longtemps de France Télécom au moment des nombreux suicides des salariés de l'entreprise, Xavier Darcos, alors ministre du Travail, avait incité les sociétés de plus de 1000 salariés à négocier des accords sur la prise en compte des risques psycho-sociaux.
Afin de stimuler les entreprises, il avait même prévu de faire une liste des bons et des mauvais élèves, à peine publié le document en question, qui devait être réactualisé chaque mois, disparaissait car jugé trop explosif.
La souffrance au travail mais d'où vient le mal de cette nouvelle société plus moderne, "plus branchée", "plus fun", mais de moins en moins sociale, de plus en plus retranchée dans l'individualisme.
Le mal dans l'entreprise n'est guère différent de celui de notre vie, qui au nom de l'égalité de traitement place les conditions de vie et de travail sur des standards très bas, sans se soucier de la vie au travail, et de la vie tout simplement, d'ailleurs l'humain ne pèse pas grand chose par rapport aux chiffres, à l'argent, aux profits.
Et tant pis si cette société est malade la performance est plus importante, le stress des salariés passe après.
Alors pour palier au mal être au travail, on forme des "managers du bien-être " ou des "managers sentinelles" les uns sont censés ambiancer, les autres apprennent à détecter la souffrance. Dans les couloirs des entreprises ou des administrations, il n'est pas rare de croiser des psys, des sophrologues, ou des kinés. Le but est de former des "médecins sociaux" capables de prendre le pouls. Dans le cabinet du médecin du travail, les salariés remplissent des questionnaires, les "open space" sont redimensionnés. En clair il faut réapprendre aux gens à se parler, et se désintoxiquer de la messagerie électronique.
L'individualisation a tué le collectif, toutes les horloges sont réglées sur le très court terme et chacun doit s'activer dans son coin.
Pendant ce temps on fait de belles statistiques, et plus personne ne s'occupe des équipes.
Alors que faut- il faire ?
La France ne brille pas par ses initiatives, certes, une obligation générale de sécurité incombe aux employeurs et, depuis 2002, ceux-ci sont censés prendre des mesures pour protéger la santé y compris mentale de leurs salariés, dont le harcèlement moral en fait partie.
Chaque changement dans l'organisation doit intégrer le facteur psycho-social, le médecin du travail doit normalement intervenir à tout moment mais...
Perdre son travail ou perdre son poste est terriblement répandu dans le monde du travail, ce qui place l'insécurité de l'emploi en première place parmi les facteurs de stress. Mais toute entreprise où le chômage est utilisé pour soumettre les salariés est à coup sûr une entreprise en souffrance...
C'est le degré 0 du management.
De plus en plus, souvent les décisions tombent du ciel, difficile aujourd'hui d'obtenir satisfaction d'une direction locale sans pouvoir. Les entreprises, où le centre des décisions se trouve à quatre ou cinq fuseaux horaires de distance, sont dangereuses, d'ailleurs les PME ou entreprises familiales deviennent mieux notées que les grandes.
La proximité immédiate avec le pouvoir de décision mais aussi une moindre pression court-termiste y génère moins de tensions.
Depuis quelques temps souvent sur de faux prétextes les grandes entreprises publiques ou privées ont le syndrome des restructurations, avec l'apport de cadres dirigeants recrutés à l'extérieur qui font faire de véritables chantiers, mobilités géographiques forcées ou avec une "carotte", fusions de services, recentralisation, diminution des effectifs, tout cela déboussole les personnels, car l'incertitude crée du stress.
Et puis, il y a le surcroit de travail, le toujours plus avec moins de personnel, la messagerie électronique que vous ouvrez où vous êtes submergé de courriels destinataire ou en copie de mails adressés à une tierce personne. En fait, dans les grandes entreprises le mail en copie est un parapluie, c'est pour se couvrir.
On y prend ainsi à témoin l'ensemble de l'équipe où la hiérarchie de la bonne exécution d'une tâche, voire d'un différend avec un ou des collègues. Traiter en moyenne 80 mails par jour prend environ deux heures, soit 25% du temps de travail réglementaire. Les journées sont hachées menu au rythme de la messagerie, sachant qu'il y a en plus, le fax, le téléphone fixe mais aussi le portable, sachant que certains cadres sont équipés de téléphones recevant des messages y compris le dimanche ou en pleine nuit.
Au final c'est le débordement, du coup le travail qui demande une certaine concentration se fait le plus souvent le soir, ou le week-end, ce qui rend l'équilibre de la vie privée de plus en plus difficile.
De plus, on ne se parle plus dans les entreprises, alors il faut créer des espaces où l'on puisse parler du travail car la hiérachie n'organise plus de réunions ou très peu tout se fait par messagerie, les plus hauts dirigeants se rencontrent en réunion de direction, prennent les décisions qui viennent souvent d'en haut les adaptent à leur sauce, souvent sans aucune concertation avec les cadres intermédiaires qui eux sont au contact des employés et des nombreux problèmes qu'ils rencontrent.
Alors, chacun fait son truc dans son coin, les cafetières sont dans les bureaux avec les micro-ondes, on se met à déjeuner sur un coin de bureau, on ne parle plus à personne.
Et puis, il y a les entretiens d'évaluation où on a l'impression que c'est important pour sa carrière pour son déroulement, mais en fait cela ne sert pas à grand chose les décisions sont prisent ailleurs, mais on vous fait participer à un simulacre de mise au point vous concernant directement.
Dans certaines entreprises, il y a aussi "l'open space": le problème est que l'espace imparti à chaque individu ne cesse de diminuer au rythme de la pression immobilière, 8 mètres carré à la place de 12 il y a cinq ans. Il règne dans ces endroits la promiscuité, bruit et sentiment de "flicage".
Donc du coup il faut redimensionner et parfois recloisonner, après on installe des bulles de bien-être parfumées aux herbes et éclairées selon des règles de luminothérapie. Salle de repos parfois, salle de sport, il faut bouger, certains installent des logiciels de décontraction, d'autres font passer un kiné tous les 15 jours et organisent des petites séances de gymnastiques
Repérer celui qui va mal dans l'entreprise c'est le rêve du Medef, mais c'est avant qu'il faut agir, bien en amont. Il faut agir sur l'individu et sur son environnement, en posant quelques questions de base sur la charge de travail, sur l'autonomie de travail. Imaginez les téléopérateurs qui se savent écoutés et ne peuvent même pas choisir la manière de dire bonjour ou au revoir. D'autres se voient imposer la place de leur téléphone ou de leur lampe, bilan : seulement un tiers des Français se sentent reconnus au travail.
Il y a véritablement à réfléchir dans les grandes écoles car celles-ci forment à la stratégie, à l'économie aux finances mais pas forcément à la dimension humaine, les étudiants n'entendent jamais parler de la peur, de la frustration, du plaisir, de tout ce qui est inhérent au travail.
Dans les entreprises, les responsables sont choisis, promus, valorisés, à condition de rentrer dans le moule de l'entreprise, pas de vague pas d'avis différent sur la question ne penser qu'à sa carrière, celui qui ose, qui dénote est considéré trés rapidement comme décalé et il ne fera pas long feu.
Et puis, il y a le nerf de la guerre la valeur travail, les salaires et les primes, là encore il devrait y avoir une réflexion importante sur ce sujet qui forcément va placer un salarié en situation de meilleures conditions si il a une possibilité de déroulement de carrière. La valeur travail aujourd'hui est bafouée souvent le salaire n'est pas en adéquation avec les objectfs et avec la charge de travail qui sont fixés aux salariés. Pire par rapport aux diplômes, mais aussi à l'expérience d'un salarié, on préfere embaucher quelqu'un qui n'a pas d'expérience si possible jeune diplomé car on va pouvoir le payer pas très cher, ou encore pire des stagiaires qui pourraient faire l'affaire, sur des dispositifs d'aide de l'Etat et des institutions. Sachant que normalement les stagiaires doivent avoir des tuteurs, bien sûr on met un nom tuteur mais celui-ci est bien souvent débordé par son propre poste et ne peut assurer correctement le suivi de celui-ci avec un surcroit de travail. Alors, dans certaines entreprises on voit fleurir le nombre de stagiaires et on met au rebus un bon nombre de postes pour faire des économies, et tant pis pour l'organisation du travail.
Ensuite, au bout de quelques mois ou quelques années on change même si celle-ci ou celui-ci donnait entière satisfaction et on recommence ce qui fait que l'expérience n'a plus de valeur, mais le problème c'est que dans l'entreprise en question s'installe un véritable "turn over" ce qui pose d'autres ennuis, par exemple les clients ne savent plus à qui ils ont à faire, les dossiers sont traités par deux ou trois personnes en même temps, ou par des personnes différentes.
Au gré des dispositifs qui sont mis en place par l'Etat souvent pour lutter contre le chômage, on détourne les choses pour gagner de l'argent sur le dos du salarié qui retournera ensuite chercher un emploi, c'est du "gagnant perdant".
"Aujourd'hui, le burn-out est en train de devenir une véritable épidémie dans de nombreux pays dans le globe. Le monde et la nature du travail ont fondamentalement changé. L'univers professionnel que ce soit l'entreprise, l'hôpital, l'école ou les services publics, est devenu froid, hostile et exigeant, tant sur le plan économique que psychologique. Les individus sont émotionnellement, physiquement et spirituellement épuisés. Les exigences quotidiennes liées au travail, à la famille et a tout le reste ont fini par éroder leur énergie et leur enthousiasme. La joie la réussite et la satisfaction d'avoir rempli ses objectifs sont de plus en plus difficiles à atteindre, et le dévouement et l'engagement professionnels sont en train de disparaître. Les gens deviennent cyniques, ils gardent leurs distances, essayant de ne pas trop s'impliquer. Ce phénomène représente un recul majeur dans la dynamique vers une vie professionnelle meilleure"
(
extrait de Burn-out : le syndrome d'épuisement professionnel).